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L'AUBE D'UNE VIE (1873-1888)

Dans la lignée des Pauvres de Yahweh il occupe une place de choix (Mt 5, 3).

SON VILLAGE

Dans sa prescience divine, le Seigneur prépare à chaque être venant en ce monde un nid, un berceau, un habitat. Au pauvre de Yahweh: Dieu a prévu un village, un foyer, une sainte mère.

Saint-Anaclet de Lessard, situé dans le comté et le diocèse de Rimouski, est une région agricole de la Province de Québec. Ses terres s'échelonnent sur plusieurs côteaux formant un amphithéâtre, d'où l'on peut contempler à loisir les contours harmonieux de la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

LESSARD est le nom de la seigneurie qui fut concédée à Pierre de Lessard et à Barbe Fortin, son épouse, le 8 mars 1696. Le territoire de cette paroisse, détaché des paroisses de Sainte-Luce et de Saint-Germain-de-Rimouski, comprend une partie du canton de Neigette et de la seigneurie de Lessard.

Jusque vers 1850, ses origines se confondent avec celles de Saint-Germain de Rimouski.

Plus que centenaire, ce lieu possède une intéressante histoire dont plusieurs pages ont été vécues par les ancêtres " d'Alexandre Bouillon " , le héros de cette biographie. C'est dans ce hameau que se déroulera la première partie du film de cette vie.

La généalogie du Sieur Alexandre Bouillon par joseph Drouin, avocat et généalogiste, nous apprend que dans les registres de la paroisse de Saint-Germain de Rimouski, l'on retrouve, en date du 7 janvier 1738, l'acte de mariage de " Jacques Bouillon " , son premier ancêtre au Canada.

Lisons attentivement ce texte:

L'an de notre Seigneur mille sept cent trente huit, le sept de janvier, après avoir publié trois bans aux prônes de la messe paroissiale scavoir le premier le dimanche dans l'octave de Noël le vingt neuf de décembre, le second le jour de la Circoncision le premier de janvier, le troisiesme le premier dimanche du mois de janvier, le cinquiesme du dit mois, entre Jacques Bouillon maistre de chaloupe fils de feus Jacques Bouillon et Catherine Rabasse, ses père et mère de la paroisse de Coudeville dépendente de l'évesché de Coutance en Normandie d'une part; et de Marie Françoise Laurent, fille de Pierre Laurent et de Constance Guerinette, ses père et mère, de la paroisse de St-Germain de l'autre part, sans qu'il y ait eu aucun empêchement, (sinon du certificat de son curé, c'est-à-dire du garçon, laquelle difficulté a été levée par une expresse permission du grand vicaire général), au mariage je soussigné f. Charles Barbel miss. de la dite paroisse, et certifie que jay reçu leur mutuel consentement de mariage et leur ai donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites par notre mère Ste Eglise en présence de Pierre Laurent, julien Rogevie, jacques Lainé, Pierre Laurent, fils, frère de l'épouse, joseph Laurent aussi frère de l'épouse et joseph Gase son beau frère, le sieur Pierre Lepage de St. Barnabé, le sieur paule Lepage de molest, le sieur Nicolas Lepage, Basile Gagné, dit bellavance, qui ont signé avec moy en la manière qui suit de ce interpellé suivant lordonnance.

Signé: Lepage de St. Barnabé, jacq. Lainer, joseph lorran, Nicolas Lepage, julien Rogevie, j. bouillon, joseph gasce.

Le généalogiste commente cet écrit:

La lecture de ce document est très intéressante. Le mariage est célébré un mardi, le lendemain des Rois. Jacques Bouillon est navigateur; il est qualifié "maistre de chaloupe".

Rimouski est un lieu de navigation et de pêche, et cette expression nous porte à croire que votre ancêtre était propriétaire d'une ou plusieurs chaloupes de commerce. Il devait être au pays depuis plusieurs années.

L'acte de mariage nous fait connaître en plus quelles étaient les relations de votre premier ancêtre en ce pays; il nous fait constater qu'il était en relations intimes avec toutes les familles seigneuriales de la région. L'acte donne d'abord les noms des témoins de la mariée, son père, ses frères, ses beaux-frères. Les témoins du marié sont: le Sieur Pierre Lepage de S. Barnabé, seigneur de Rimouski, puis son frère Paul Lepage de la Mollais et un troisième frère Nicolas Lepage de la Faussais. Cette présence au complet de la famille seigneuriale de Rimouski indique suffisamment des relations intimes avec votre ancêtre.

Jacques Bouillon eut deux fils: Jacques et Ambroise, et trois filles Françoise, Elizabeth et Louise.

Elizabeth resta célibataire. Les deux autres filles et les deux garçons se marièrent.

Les deux filles s'unirent à des familles de la région: Françoise épousa Jean-Baptiste Lévesque et Louise épousa Pierre Corbin.

Les deux garçons, Jacques et Ambroise s'unirent également à des jeunes filles de Rimouski.

Le chapitre V, 3e partie: Gerbe de souvenirs, " Recherches généalogiques " contient d'autres détails intéressants sur la famille.

Au Canada, c'est à la quatrième génération, issue de Jacques Bouillon et Marie Françoise Laurent, que nous voyons apparaître l'aïeul paternel: Alexandre Bouillon et Mathilde Lavoie, mariés à Rimouski, le 9 février 1830.

A cette époque nul ne se doutait qu'à Saint-Anaclet, humble faubourg en formation, naîtrait un jour comme à Nazareth, un homme sur lequel l'Esprit du Seigneur se reposerait.

Mais l'on dira de Sion: tout homme y est né, et c'est le Très-Haut qui l'a fondée. Yahweh inscrira au rôle des peuples: " Ceux-ci sont nés là. " Et chanteurs et danseurs disent: a Toutes nos sources sont en toi. x (Ps 87, 5-6-7).

FOYER FAMILIAL

La communauté conjugale et le foyer familial, en apportant aux époux l'épanouissement de leur personnalité et la joie d'un amour fécond, mettent l'homme et la femme au service de la société des hommes en marche vers le Royaume de Dieu. - Feder.

Des documents authentiques nous permettent de découvrir l'atmosphère bienfaisante qui régnait chez la famille Bouillon.

Précédemment nous avons énoncé le nom de l'aïeul paternel, marié à Rimouski en 1830. Dix berceaux viennent enrichir ce foyer: 6 garçons et 4 filles. Le sixième des fils, " Alexandre " , sera navigateur.

Pendant plus de trente ans, (1856-1888 ), telle est la profession qu'il remplira et, cela va sans dire, avec un courage intrépide.

Dès avant 1800, les goélettes se multiplièrent sur le Saint-Laurent et sur les lacs, par suite de l'accroissement du commerce dû au peuplement du Haut-Canada. Elles étaient les grands "transporteurs" de blé et régnaient en maîtresses sur les eaux canadiennes. Même le bateau à vapeur, qu'on voit paraître en 1809, ne réussit pas à les supprimer.

Il fallut au steamer près d'un siècle pour éliminer complètement le voilier. En 1854, (...) seulement 6 navires à vapeur visitèrent Montréal contre 174 voiliers (...). En 1873, il se trouvait dans le port 91 vaisseaux à vapeur contre 182 voiliers océaniques.

Au temps de la voile, les navires qui remontaient ou descendaient le Saint-Laurent; leur pilote se rendait en chaloupe à proximité de l'Ile du Bic. Les archives mentionnent que, de 1760 à 1905, Bic fut le rendezvous des pilotes avec les navires. Par la suite, le poste de pilotage fut transporté à Pointe-au-Père, puis aux Escoumins où il est encore.

Dans les années 1800, les navires ne possédaient nullement le confort luxueux d'aujourd'hui. Comme précisé plus haut, on était au temps de la voile. Les pilotes devaient s'en remettre à la température. Le temps était-il calme, le vent favorable? Tout allait bien. Doucement on se laissait bercer par la cadence de la brise. Le temps était-il orageux, le vent violent? Il fallait faire escale et attendre l'apaisement des flots pour repartir.

Quelle patience, quelle maîtrise devaient posséder les pilotes. Quelle sérénité ne fallait-il pas aux voyageurs?

Les heures anxieuses que vécurent parfois les marins et leurs familles ne sauraient se compter... Si ces hommes, d'une époque relativement récente revenaient, quel saisissant contraste leur offrirait notre siècle de mécanisation.

Dans les desseins de la Providence, en 1859, Marie Arthémise Soucy, institutrice de Saint-Denis de la Bouteillerie, aujourd'hui Saint-Philippe de Néri, quitte sa paroisse natale pour aller enseigner à Sainte-Luce de Rimouski. En 1862, elle prend son engagement à l'école de Saint-Anaclet: c'est là que M. Bouillon fit sa connaissance.

Marie Arthémise Soucy a 28 ans. Déjà plusieurs jeunes gens se sont présentés sans être agréés. Elle prie, fait neuvaine sur neuvaine, offre des communions, demande des prières. Enfin, après avoir beaucoup prié, elle accepte la demande qui lui est faite et consent à devenir l'épouse de Alexandre Bouillon, jeune homme navigateur, et plein d'avenir.

Voici l'acte de ce mariage tel qu'il est conservé dans les registres de la paroisse de Saint-Anaclet.

Le douze janvier, mil huit cent soixante-quatre, après la publication de trois bans de mariage faite au prône de nos messes paroissiales, entre Alexandre Bouillon, domicilié en cette paroisse, garçon majeur d'Alexandre Bouillon, ancien cultivateur, et de Mathilde Lavoie de cette paroisse d'une part; et Archémise Soucy, institutrice, domiciliée en cette paroisse, fille majeure de feu Jean-Baptiste Soucy, et de Marie Charlotte Lamarre, de Saint-Denis de la Bouteillerie, d'autre part; ne s'étant découvert aucun empêchement, nous, prêtre, curé, soussigné, avons reçu leur mutuel consentement de mariage et leur avons donné la bénédiction nuptiale en présence de Alexandre Bouillon, père de l'époux et de joseph Lamarre, cousin de l'épouse, qui a signé avec nous, ainsi que l'épouse, l'autre témoin n'a su signer ainsi que le père de l'époux et l'épouse.

Ont signé: Arthémise Soucy, joseph Lamarre, Philomène Lamarre. A signé: J.B. Blanchet, ptre Curé.

Au temps jadis la noce ne comportait pas de voyage. De cette inoubliable journée, la relation historique conserve ce détail:

De retour à la maison, on se réjouit dans le Seigneur. Le soir, on veille en famille, avant minuit chacun se sépare après avoir échangé des souhaits de bonheurs.

Trois fils, deux filles viennent combler les désirs de couple béni de Dieu. Lainée: Marie Léontine, joseph, Alexandre, décédé en bas âge; Olympe, et un dernier fils tel qu'il appert au registre paroissial de Saint-Anaclet.

Frère et soeurs d'Alexandre

Le seize de septembre mil huit cent soixante-et-treize, nous, soussigné curé, avons baptisé Alexandre, né ce jour, fils légitime d'Alexandre Bouillon, navigateur, et d'Arthémise Soucy, de cette paroisse. Parrain: Jean-Baptiste Bouillon, cultivateur, marraine: son épouse Marie Santerre, de cette paroisse, qui ont, ainsi que le père, déclaré ne savoir signer.

M. R. Bilodeau, ptre.

Auprès de ce nouveau berceau sans doute se pose-t-on question: " Que sera cet enfant? "... C'est le secret du Roi.

Pour l'instant pénétrons dans l'enceinte de ce foyer des plus chrétiens et remarquable par sa charité.

(...) Dès son union avec Alexandre Bouillon, Marie Arthémise Soucy, s'efforce d'en mériter la confiance; aussi aucune entreprise n'est faite sans consultation de part et d'autre entre les deux époux. Cette confiance, ma mère se l'était attirée par une conduite toujours irréprochable, par une vertu douce, patiente, constamment invariable, même quand les contrariétés semblaient S'être ruées sur elle.

Elle était toujours gaie, toujours contente. Faire la volonté de Dieu, en subir le joug était le secret du bonheur. Combien heureux était ce ménage; jamais de note discordante, toujours la paix la plus profonde et l'accord le plus parfait. Pour ma part, dans ma famille, je n'ai jamais vu de ces misères que l'on appelle " querelles de familles" (...).

(...) Jamais ma mère ne se mettait à l'ouvrage sans se recueillir un instant après avoir tracé sur elle le signe de la croix (...)?

M. le Capitaine Bouillon, réclamé à l'extérieur par son travail, était le plus souvent éloigné de sa famille. C'est donc sur Mme Bouillon, son épouse, que retombait la plus grande partie de la formation des enfants.

Quelques anecdotes nous révèlent quelle femme forte et magnanime, quelle pieuse mère donna à l'Eglise et à la Congrégation, le vénéré Fondateur des Servantes de Notre-Dame, Reine du Clergé.

La première éducation de ses enfants fut rigide et mêlée de châtiments corporels; mais elle y mettait tant d'amour et d'affection, que, même quand elle punissait, on sentait la bonté de son tueur. Tout petits encore nous comprenions que nous avions de bien vilaines petites têtes qu'il s'agissait de réformer (...). Pour ma part, bien souvent j'ai remercié la Divine Providence qui m'a fait naître de parents à l'âme si chrétienne. Ma mère était bonne; elle nous aimait beaucoup; mais dit le Sage: " celui qui aime bien châtie bien. "

Convaincue des dangers de l'orgueil, principe de tout mal, elle n'épargna rien pour préserver ses enfants de ce terrible fléau. Un jour elle reprend fortement lainée, parce qu'elle avait hésité un peu à l'ordre qu'elle lui donna de conduire à l'église un pauvre aveugle et idiot. Le pauvre infirme n'avait pu trouver personne pour le mener à l'église. Une autre fois, c'était au milieu de nombreux amis réunis en famille, l'une de ses deux filles, âgée de 17 ans se permet de frapper de la main la joue de sa jeune sueur. Aussitôt ma mère lui fait baiser le plancher puis la met à servir la table.

Un dimanche, c'était à mon tour de résumer à la maison, le prône, l'instruction et le catéchisme de Monsieur le Curé; mais j'avais tout oublié. II faut dire que ce jour-là je n'avais guère prêté attention à tout ce qui s'y était dit. Ma mère le savait bien et voilà pourquoi je fus contraint à passer ma récréation les yeux dans mon catéchisme mais mon esprit, il faut l'avouer, voltigeait comme les papillons que je pourchassais pour ma collection.

Par contre, ma mère savait de temps en temps nous ménager une agréable surprise. Parfois c'était une jolie promenade dans le petit bois voisin où nous respirions l'air si vivifiant, tout en nous amusant bien; d'autres fois un anniversaire réunissait les amis de la famille. De ces réunions, j'ai gardé de bien doux souvenirs... Si toutes les familles s'amusaient ainsi, chrétiennement, comme on le faisait dans mon "chez nous", comme le bon Dieu serait content, il me semble! Et combien davantage le foyer domestique serait aimé et respecté.

Et l'abbé Bouillon ajoute:

Ma mère était une de ces âmes au coeur généreux et compatissant. Quel dévouement et quelle abnégation dans le rôle si difficile d'instruire et former les enfants. Son rêve était de toujours, et jusqu'à son dernier soupir, être entourée d'enfants qu'elle instruirait et formerait à la vertu. Son amour du bien s'étendait à toutes les misères à soulager. Les pauvres, elle se privait même du nécessaire pour leur venir en aide. Aussi que de nécessiteux secrètement secourus! Si parfois nous semblions faire peu de cas d'un reste oublié ou de quelques morceaux de pain jetés au rebut, invariablement nous l'entendions nous dire: " Mes enfants, il ne faut rien perdre; il y a tant de pauvres à secourir." Les pauvres: toujours les pauvres avaient son attention particulière. Jamais elle ne laissait partir un pauvre sans lui donner quelque chose. "Ce sont les amis du bon Dieu, disait-elle, il faut les bien traiter."

(...) Son amour des pauvres était si grand, qu'elle fit, en 1893, le voeu de se vouer à l'instruction des enfants pauvres si Dieu lui rendait la santé nécessaire.

Par sa bonté, son affabilité, Mme Bouillon était estimée de tous.

J'aimais la compagnie de Madame Bouillon, disait une de ses amies, elle était si bonne. Avait-elle une opinion à émettre, elle le faisait avec calme et douceur. Voulait-elle faire un reproche: " Me permettriez-vous de dire... N'auriez-vous pas oublié... Ne serait-ce pas plutôt"... étaient ses formules ordinaires auxquelles elle joignait un sourire tout à la fois modeste et charitable (...).

Un autre trait marquant de cette généreuse mère fut sa soumission à la volonté de Dieu.

(...) Un jour c'était en 1880, mon père navigateur partit sur sa goélette de l'Ile d'Anticosti en route pour Rimouski. La rumeur que la goélette de mon père était sombrée dans la dernière tempête parvint aux oreilles de ma mère. On vint même l'avertir que tous les hommes sur le bâtiment avaient péri dans le naufrage. Cette nouvelle terrible faillit lui coûter la vie. Nous étions là tous quatre, nous pressant contre elle comme pour éviter un nouveau malheur et nous pleurions. Ma mère cependant ranima son courage au souvenir de la Divine Providence qui veille sur ses enfants. Puis séchant ses larmes: " Courage, mes enfants, nous dit-elle, disons tous ensemble: " O mon Dieu que votre volonté soit faite. " Réconfortés par cette sublime confiance de ma mère, nous ne pensions plus au malheur possible. En silence nous priions bien tous. Nous en étions là lorsqu'on vint nous dire que la goélette de papa était au quai de Rimouski et que tout l'équipage se portait bien. Le soir papa arrive, tout surpris de la nouvelle qu'on avait fait circuler et affirme n'avoir jamais fait une si belle montée.

C'est dans cette ambiance de communion à la volonté du Père, sous la tutelle de cette femme, " toute donnée à la cause de Dieu ", que grandit le cadet de cette heureuse famille.

Dieu habite un lieu haut et saint, il se rend tout proche du "pauvre" dont l'esprit est humble et le coeur contrit, et, du sanctuaire que son peuple fidèle lui a fait, rayonne sur le monde.

Les parents d'Alexandre

ÉCOLE PAROISSIALE

Alexandre a grandi. II a l'âge requis pour prendre le chemin de l'Ecole. M- j.-Antoine Lavoie et Mlle Marie Anne Ouellet, ses compagnes de classe et coparoissiennes, nous donnent quelque éclairage sur sa vie d'écolier.

C'était un enfant poli, affable, très affectueux pour ses parents. Il ne répliquait jamais à sa mère et il éprouvait pour son père une grande vénération.

Il se distinguait par sa modestie et sa piété, alliant à ces qualités une grande simplicité. Dans ses difficultés il m'interpellait ainsi:

- Marie, viens donc m'aider, c'ti comm'ça que ça s'écrit?...

Mlle Ouellet, future fondatrice des Servantes de NotreDame, Reine du Clergé, raconta plus d'une fois aux religieuses de sa Congrégation que le Père fondateur, jeune étudiant, était doux, plutôt timide. Ses compagnons s'en servaient comme de " bouc émissaire. " Y avait-il quelque méfait? Ti-Sand était l'accusé. Lui, ne se fâchait pas. Indignée des injustices mettant Alexandre à l'épreuve, Marie Anne plaidait sa cause avec toute l'ardeur que nous lui avons connue. Un jour, lasse de le voir toujours puni pour les autres, elle lui dit:

- Ti-Sand, défends-toi donc, alors ils te laisseront tranquille.

Avant l'arrivée des Soeurs des Petites Ecoles, nom primitif des religieuses de Notre-Dame du Saint-Rosaire, l'enseignement aux enfants du village était donné par des instituteurs laïques.l9 En septembre 1883, avec l'assentiment de l'Ordinaire du lieu, le Conseil général de la Congrégation du Saint-Rosaire, dont la maison générale est sise à Rimouski, acquiesce à la demande de fondation faite par M. le Chanoine Bilodeau, curé de Saint-Anaclet. Soeur Marie de la Victoire et Soeur Marie de Saint-Benoît sont choisies pour cette nouvelle mission."

Quelques détails de la biographie de Sueur Marie de Saint-Benoît, l'une des fondatrices de ce couvent, nous dépeignent quelle ruche débordante d'activité recelait cette école dans ces années-là!

Les élèves étaient nombreux, le travail ardu; Soeur Marie de Saint-Benoît put à loisir satisfaire son besoin de dévouement. Infatigable auprès des enfants, ne se laissant jamais rebuter par l'inaptitude des uns, la légèreté et l'insouciance des autres, sachant toujours maintenir l'émulation et une exacte discipline au milieu d'un petit peuple souvent trop avide de liberté. Désireuse d'atteindre le but sublime auquel aspire la religieuse institutrice, elle n'omit rien pour former à la piété les jeunes coeurs confiés à sa sollicitude (...).

Préparé par sa pieuse mère, par de zélées institutrices, sous les soins de cet " amant de l'Eucharistie " que fut M. le Curé Bilodeau, Alexandre fit sa première communion le 5 juillet 1884. Deux ans plus tard, le 13 juillet 1886, il reçut le sacrement de Confirmation, des mains de Monseigneur Jean Langevin, premier évêque de Rimouski.

Jusqu'en septembre 1888, il poursuivit ses études à la classe modèle de sa paroisse natale.

Alexandre: nom d'origine hellénique. Signifie " qui repousse l'ennemi. " Les Alexandre mettent une force et une volonté opiniâtre au service des grandes causes. Ils sont imaginatifs et perspicaces.

Alexandre: nom de son aïeul, de son père, de son frère décédé. Dans la lignée, il est le quatrième à porter ce nom. Quelle voie lui assignera le Seigneur?...


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